Aujourd'hui, je vous invite à découvrir un nouveau navigateur web, qui pourrait bien vous faire basculer du côté obscur de la force sous Firefox. Mais avant d'explorer ce nouvel horizon, permettez-moi de revenir un instant sur l'histoire d'Arc. L'année dernière, je vous faisais l'éloge de ce navigateur innovant, un an plus tard, c’est un article au titre bien sombre que je vous propose, celui de la « mort » d'Arc. Car, bien que l'aventure ait commencé sur une note prometteuse, l'issue a été bien différente.

Arc : C'est la fin.

Une maintenance au stricte minimum

Le navigateur Arc approche de son premier anniversaire de lancement dont je vous en avais déjà fait une critique assez exacerbée à son sujet, principalement à cause du manque flagrant de fonctionnalités sur Windows comparé à la version Mac. Eh bien, les choses ne se sont pas arrangées entre temps, bien au contraire. The Browser Company, l’entreprise derrière Arc, a décidé qu’ils ne pourraient pas rentabiliser leur produit et ont donc tout simplement arrêté son développement, prétextant que l’application était feature complete. En clair, plus aucune nouveauté ne verra le jour.

Dans la foulée, ils ont annoncé travailler sur un nouveau navigateur centré sur l'IA, nommé Dia, elle sera censée effectuer toutes vos recherches et actions à votre place. Le problème ? En stoppant le développement d’Arc, ils ont aussi mis un terme à l’ajout des fonctionnalités manquantes sur Windows, ce qui n’a pas manqué de faire réagir la communauté, notamment avec une avalanche de mèmes sur le fait que leurs mises à jour hebdomadaires ne se résumaient plus qu’à intégrer la dernière version de Chromium. Tout cela alors même que le navigateur souffre encore de bugs flagrants. Par exemple, pour mon cas, je suis obligé de passer plusieurs fois en plein écran une vidéo avant que cela fonctionne correctement réellement.

Mais ce n’est pas le pire : Arc impose toujours une inscription obligatoire dès le premier lancement, ce qui est un frein pour beaucoup. Et comme si cela ne suffisait pas, il a déjà été à l’origine d’une faille de sécurité majeure. Une accumulation de choix douteux qui laisse un goût amer aux utilisateurs.

L’ombre du Manifest V3

Ajoutez à cela une autre menace bien plus préoccupante : l’arrivée imminente du Manifest V3 de Google. Ce changement dans la manière dont les extensions fonctionnent sur Chromium représente une attaque frontale contre uBlock Origin. En effet, Manifest V3 limite certaines fonctions utilisés par l'extension qui sont essentiels pour détecter, contourner et filtrer les requêtes reçu par le navigateur, ce qui rend bien plus difficile le contournement des moyens mis en place par les géants de la tech pour nous imposer toujours plus de publicités.

Avec cette nouvelle version du Manifest, uBlock Origin ainsi que d’autres extensions de blocage de publicités deviennent tout bonnement incompatibles sur tous les navigateurs basés sur Chromium. Résultat : elles sont introuvables sur le store officiel et, pire encore, leur installation depuis un site externe devient même impossible depuis les dernières versions. Même si une version light de uBlock Origin est proposée, il est évident qu’elle sera bien moins efficace, notamment sur YouTube, où la guerre fait rage entre Google et les bloqueurs de pub.

Zen : Un nouvel espoir

Un marché des navigateurs en pleine mutation

C’est donc dans ce contexte tendu, avec une concurrence féroce dans le monde des navigateurs (tous gratuits, ce qui soulève d’ailleurs la question de leur modèle économique), que les fonctionnalités d’Arc, vue comme un pionnié du renouveau des navigateurs, ont peu à peu été copiées et intégrées par d’autres navigateurs. Le système de navigation verticale, par exemple, a été repris par Microsoft Edge, Opera et même Firefox, bien que sous différentes formes : parfois avec de vrais onglets, parfois avec de simples icônes d’applications. Mais parmi toutes ces alternatives, aucune n’a vraiment cherché à recréer l’ADN d’Arc dans son ensemble… jusqu’à l’arrivée de Zen. Un navigateur qui s’impose peu à peu comme le Messie tant attendu par les anciens utilisateurs abandonnés par The Browser Company (surtout sur Windows).

Pourquoi se démarque-t-il ?

Depuis le début de cet article, je vous ai partagé mon parcours à la recherche d’un successeur à Arc, un navigateur qui proposerait le même paradigme tout en garantissant un suivi, des mises à jour régulières, et surtout, qui ne bloquerait pas uBlock Origin. Autant dire que lorsque j’ai découvert Zen, c’était comme si un message divin m’était envoyé : On t’a compris. Bien sûr, j’étais sceptique au départ. Zen est encore en bêta, après tout. Mais les mises à jour qui ont suivi m’ont conforté dans mon choix.

Alors, qu’est-ce que Zen ? Il s’agit d’un navigateur open source basé sur Firefox, lui-même un projet à but non lucratif (bien que largement financé par Google, mais c’est une autre histoire). Et comme il ne repose pas sur Chromium, il n’est pas concerné par le non-support des extensions sous Manifest V2, ce qui signifie que uBlock Origin et toutes les autres extensions de blocage restent pleinement fonctionnelles. Par contre, cela implique de devoir réinstaller toutes ses extensions en version Firefox, et malheureusement, toutes n’ont pas d’équivalent. Lors de ma transition, j’ai perdu deux extensions sur trente, faute de compatibilité, ce qui reste tout de même moins que ce dont je m'attendais.

Outre cette compatibilité préservée, Zen bénéficie aussi des fonctionnalités propres à Firefox, comme le système de conteneurs. Ce dernier permet de séparer totalement différentes pages et d'éviter, par exemple, de mélanger ses comptes professionnels et personnels. Vous pouvez ainsi avoir un espace dédié au travail avec votre compte Google Workspace et un autre pour un compte Google classique, ce qui évite les problèmes de connexion erronée lorsque vous consultez Gmail ou Google Calendar. Cela me posait fréquemment problème avec Arc, où, bien que l'on puisse créer des espaces distincts, tous les comptes étaient liés entre eux. Firefox possède aussi des fonctionnalités avec IA, permettant de demander une correction ou un résumé d'un texte sélectionné. Malheureusement, ces actions s'effectuent dans un panneau ChatGPT externe, au lieu d’être traitées directement via une API ou en local, ce qui est un peu dommage.

Parmi les fonctionnalités les plus intéressantes de Firefox, on trouve aussi la personnalisation de la barre d’outils permettant de choisir l’emplacement de la barre de recherche, des icônes des extensions, des paramètres, des téléchargements et autres éléments. À cela s’ajoutent les nombreuses options de personnalisation CSS offertes par le navigateur. On comprend alors que Zen repose largement sur Firefox avec beaucoup de CSS et quelques ajouts JavaScript. En effet, Firefox et donc Zen permettent une personnalisation rapide de l’interface via un simple fichier CSS nommé userChrome, ce qui permet de partager facilement ces modifications au sein de la communauté.

Jusqu'ici, j’ai parlé de fonctionnalités que Firefox propose déjà, mais qu’apporte Zen en plus de sa ressemblance avec Arc ? Eh bien, Zen propose une navigation verticale à l’instar de son prédécesseur, avec en prime la possibilité de choisir parmi trois types de positionnement pour la barre d'outils : une barre unique sur le côté, deux barres d'outils (une sur le côté pour les pages, l’autre en haut pour la navigation et les extensions), ou encore deux barres réduites. Un mode compact permet également de masquer ces barres. Pour les utilisateurs de Mac, ces options peuvent sembler assez familières, mais sur Windows, il n’est possible d’avoir que les deux barres d'outils, et l’option d’une barre latérale unique n’est pas disponible. Zen propose également des "Mods", des modifications qui affectent directement le navigateur (en soit comme les UserChrome mais plus facilement installable et avec des mises à jours), et non les pages web comme les boosts d’Arc. Pour modifier les pages, il faudra utiliser Stylus, ou peut-être attendre qu’une fonctionnalité similaire soit ajoutée dans le futur. Zen permet aussi d’ouvrir un panneau latéral avec des pages prédéfinies, comme YouTube Music pour un accès rapide dans un format mobile. On peut également ajouter ChatGPT par exemple, bien que, comme mentionné, Firefox permet déjà cette fonctionnalité à part.

Ce qu’il lui manque encore

Tout cela est génial, et la perspective de découvrir encore plus de fonctionnalités à l’avenir me réjouit. En fait, j’ai tellement hâte de pouvoir utiliser pleinement ce navigateur que je consulte régulièrement son dépôt GitHub, inspectant les descriptions des commits pour suivre les progrès. Cela dit, je précise bien "utiliser pleinement", car vous l’aurez peut-être compris à travers mes présentations des fonctionnalités : Zen est encore en version bêta et, par conséquent, il lui manque certaines fonctionnalités qui pourraient s'avérer rédhibitoires pour certains utilisateurs.

Commençons par le plus grand problème du navigateur, qui revient fréquemment comme un obstacle pour de nombreux utilisateurs : l'absence de dossiers. Ce problème découle principalement de Firefox, qui a intégré cette fonctionnalité seulement en mars dernier. Cependant, cela devrait être corrigé prochainement, comme le suggèrent les tweets réguliers du compte officiel annonçant l'ajout imminent des dossiers. On peut aussi noter l’absence d'options permettant de nettoyer automatiquement les onglets non épinglés ou de programmer un nettoyage, par exemple toutes les 12 heures. Actuellement, lorsqu'on ferme le navigateur, soit tout est effacé, soit tout reste, comme dans un navigateur classique. Des fonctionnalités liées à l'IA sont également absentes, telles que le renommage automatique des onglets ou le tri par groupe. On peut aussi noter l'absence des Easels, une fonctionnalité que j'attendais avec impatience pour Arc, mais qui ne viendra finalement jamais sur Windows.

Enfin, l'un des plus grands problèmes que j'ai rencontrés, et dont on ne sait pas quand ni même s’il sera résolu, est l'absence de compatibilité DRM, c'est-à-dire l’incompatibilité avec les plateformes de SVOD (Netflix, Disney+, Prime Video, Crunchyroll). Le problème ici ne réside pas dans le développement, mais plutôt dans un obstacle financier : il faut en effet payer près de 5000 $ pour pouvoir exploiter le DRM. Or, étant donné que Zen est un projet entièrement gratuit et maintenu par la communauté, le financement devient un gros problème. Cela dit, j’ai récemment découvert un fork de Firefox également open-source, nommé Floorp, qui intègre le DRM, ce qui laisse espérer que cette fonctionnalité pourrait être ajoutée à Zen, enfin si un contributeur fortuné décide de participer… Ce qui est dommage, c’est que l'absence de cette fonctionnalité reste actuellement la seule raison qui me pousse encore à revenir sur Arc de temps en temps.

Conclusion

Zen n’est pas encore parfait, mais il incarne un espoir de renouveau dans un paysage où la domination de Google semble inébranlable. En réunissant les meilleures fonctionnalités d’Arc tout en restant fidèle à un modèle open-source et respectueux des utilisateurs, Zen se positionne comme la meilleure alternative à ce navigateur abandonné. Bien qu'il lui manque encore des éléments essentiels, comme la gestion des dossiers, les Easels et la compatibilité DRM, il semble avoir les clés pour offrir une alternative crédible et durable. Tant que The Browser Company continue de s’enfoncer dans ses choix douteux, Zen a une vraie carte à jouer. Il reste à voir si le projet tiendra sur la durée, mais pour l’instant… c’est le seul navigateur qui me redonne un peu d’espoir dans cet océan de Chromium.