Entre péripéties d’une figure messianique annonçant le début d’une guerre sainte sanglante et ode à un univers de science-fiction large et foisonnant d’idées, Dune partie 2 est sans conteste le film de l’année 2024… mais il me fait aussi penser à un animé qui lui ressemble bien plus que l’on ne pourrait croire.
Un chef-d'œuvre
Tout d’abord, commençons par faire une petite critique de Dune 2 : il s’agit tout simplement d’un des meilleurs films qu’il m’ait été donné de voir au cinéma. Encore plus contemplatif que le premier, beaucoup plus intelligent qu’un Star Wars (au moins de la postlogie), il s’agit en fait d’une pure réussite qui, sans aucun doute, vient de lancer une toute nouvelle franchise jusqu'alors tapi au seul rang de roman inadaptable. Pourtant, Denis Villeneuve a parfaitement esquivé les problèmes que pouvait représenter le livre en réalisant deux parties, en modifiant l’esprit du personnage de Chani ou en retardant la naissance de la sœur de Paul Atreides pour éviter d’avoir une actrice enfant ce qui peut être risqué, comme cela a été le cas avec Anakin Skywalker dans Star Wars 1.
Il n’est pas à en douter que Villeneuve, qui avait ce rêve de réaliser une nouvelle version de Dune après celle de David Lynch en 1984, a réussi son pari qui n’était toutefois pas joué d’avance, puisqu’il a fallu attendre la sortie de la première partie pour savoir s’il pouvait faire la suite. Avec maintenant un box-office de plus de 3 732 000 entrées en France et plus de 630 millions de dollars dans le monde, l’œuvre adaptée de Frank Herbert s’oriente vers la place d’Oppenheimer, qui — avec ses 4 445 931 entrées en France et ses 965 millions de dollars dans le monde — n’est certes pas le plus gros succès de 2023, mais est sa comparaison la plus proche, notamment par le fait que Villeneuve est très fan de Nolan et cela se sent dans sa réalisation, mais aussi parce que personne n’imaginait voir Oppenheimer aller aussi loin pour un film de trois heures, dont une heure se situe dans un tribunal en noir et blanc. On retrouve alors un chemin qui, force est de constater, n’est pas identique, mais prend une direction déjà vue, en espérant que cela soit de même pour les cérémonies à venir l’année prochaine.
Protéger son peuple quoi qu’il en coûte
Comme un air de déjà-vu
Le film vient donc à son climax lorsque Paul, messie malgré lui, boit l’eau sacrée qui donne la capacité aux Bene Gesserit de voir dans le passé, mais aussi le futur. À partir de ce moment, Paul Atreides, dit le « Lisan Al Gaïb », n’a qu’un seul but : mener son peuple vers le paradis tant attendu. Et pour ce faire, il n’a qu’une seule solution, qu’un seul chemin qu’il doit suivre pour parvenir à la réussite. C'est à ce moment-là que cela m’a fait penser à l'Attaque des Titans. En fait, je pense que toute personne ayant vu la fin de SNK sait où je veux en venir : Eren et Paul ont le même but, sauver leur peuple quoi qu’il en coûte, et pour cela, ils possèdent le don de voir dans le futur pour pouvoir réaliser les choix qu’il faut pour y parvenir. La différence est que dans l'Attaque des Titans, Eren revient en fait dans le passé à chaque fois qu'il échoue pour tenter une autre possibilité, mais qu'il n'y en a qu'une seule, alors que Paul, lui, se voit être dans une timeline définie dont il ne peut se permettre de faire d’erreur. Mais cela aboutit au même résultat : malgré eux, ils se retrouvent à être les antagonistes de l’œuvre à laquelle ils devaient être les héros, car le devoir du sacrifice de leur humanité en vaut la peine pour réaliser leur plus profonde volonté. Ainsi, alors que j’avais aimé la fin de L’attaque des Titans en me disant quand même que le génocide de 80 % de la population était tout de même exagéré, car je pense qu’il n’y avait pas assez de mise en situation d’Eren qui essaie d’éviter le pire de se produire ; dans Dune 2, Paul lui essaie pendant deux heures d’expliquer qu’il n’est pas un messie et qu’il ne suivra pas sa mère dans ses délires prophétiques avant de comprendre en voyant le futur qu’il n’y a pas d’autre solution.
La malédiction de l’omniscience
En fait, c’est l’omniscience qui permet aux deux pseudo-protagonistes de changer de côté, comme un message pour nous dire que l’ignorance permet de sortir en partie une part de bon en l’être humain. Car lorsque l’on sait ce qu’il se passera, on a le devoir moral de faire un choix éthique entre ses convictions et le bien commun, alors que lorsque l’on est pris de naïveté, on peut se battre pour lier les deux, comme si le dilemme du train n’existait pas. Je ne peux alors m’empêcher de penser aux deux infinis de Pascal qui, par son texte, nous explique que l’homme est faible et ne vit que par sa pensée, elle-même coincée entre deux infinis, réduite alors par la petitesse des choses que l’on ne peut expliquer et l’immensité de la conception de “Dieu” pouvant alors être ici représenté par Paul qui, par son omniscience, en est réduit à porter sur son dos le poids de l’univers en s’autoproclamant seigneur. Face à la faiblesse de ses citoyens incapables de voir aussi loin, il se doit de montrer le chemin dans la souffrance de celle qu’il aime et dans la douleur des morts qu’il va engendrer.
Car enfin qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d'où il est tiré, et l'infini où il est englouti. – Blaise Pascal