Comme chaque fin d’année, les Game Awards auront lieu pour récompenser les meilleurs jeux de l’année. Cependant, au fil des années, certains critiques du monde entier expriment leur mécontentement à l'égard de cet événement devenu majeur, qui prend de plus en plus l'allure d'un spectacle rempli de publicités et d'annonces, plutôt que d'une véritable cérémonie visant à récompenser l'industrie vidéoludique. Faisons donc un petit récapitulatif de ce qui ne va pas… mais aussi des aspects positifs.

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Suite à la cérémonie de 2023, l'article a été mis à jour concernant le temps de parole des récompensés et le temps consacré à la remise des récompenses.

C’est le Winter Game Fest ou quoi ?

Commençons par le moins dérangeant : les annonces. Emplifié depuis la chute de l’E3 avec l’arrivée du Covid, les annonces de jeux vidéo, parfois même en exclusivité mondiale, étaient une bonne façon de ne pas transformer les Game Awards en un simple long tunnel de récompenses. À l'instar des César avec les interludes "comiques", ces annonces permettaient un meilleur rythme sans endormir avec une longue cérémonie, mais sans pour autant se transformer en une conférence à la Summer Game Fest. Cependant, avec le temps, les annonces (et les publicités) ont pris de plus en plus de place, on se retrouve même à parler davantage des futures annonces des jeux aux Game Awards que des récompenses décernées, dévalorisant ainsi le temps, l'argent et le travail acharné consacrés à la création de jeux nommés parmi les meilleurs de l’année.

Cette évolution créée également un flou dans la compréhension de la cérémonie. Il suffit de rechercher "jeux Game Awards 2022" sur Google pour obtenir des résultats oscillant entre les annonces faites et les lauréats. Personnellement, en tant que passionné de jeux vidéo, cela ne me dérange pas : je suis toutes les annonces de tous les éditeurs (quand cela est possible) et cela ne me pose donc pas de problème d'avoir entre deux récompenses une bande-annonce d'un jeu très attendu ou même d'une nouvelle licence. Cependant, cela devient agaçant lorsque l'on se retrouve dans un tunnel de trailer pour des jeux moins connus ou des contenus additionnels à des jeux existants (je pense par exemple à Genshin Impact ou Among Us).

Petit rappel des annonces de 2022

  • Star Wars Jedi Survivor : Du gameplay et la date de sortie
  • Final Fantasy XVI : La date de sortie
  • Death Stranding 2 : Annonce de la suite
  • Horizon Forbidden West: Burning Shores : Annonce du DLC
  • Hades 2 : Annonce de la suite
  • Judas : Annonce d’une nouvelle licence
  • Street Fighter 6 : La date de sortie
  • Cyberpunk 2077 Phantom Liberty (DLC) : Révélation d'Idris Elba en tant que personnage secondaire
  • Super Mario Bros le film : Le premier "vrai trailer"
  • The Last of Us Part 1 : Annonce de son arrivée sur PC

Et bien d’autres à retrouver sur la page de Gameblog

Pubs à gogo

Le deuxième problème, cette fois-ci un peu plus préoccupants, concerne les publicités. Car en plus des tunnels d'annonces, il y a également des tunnels de publicités, et chaque année leur nombre augmente. Bien que cela soit assez habituel aux États-Unis, en France, avoir autant de publicités semble excessif. Grâce à l'extension SponsorBlock sur YouTube, j'ai pu calculer un total de… 28 minutes et 14 secondes de publicité pour un live de 3 heures et 30 minutes, soit un ratio de 8 minutes de publicité par heure. À première vue, cela peut ne pas paraître énorme, mais il est important de rappeler que la limite maximale légale en France est de 7 minutes par heure et que l’on parle ici d'Internet.

En effet, sur Internet la publicité est perçue différemment qu'à la télévision. Tout d'abord, il est théoriquement moins cher de diffuser en streaming que sur les chaînes de télévision traditionnelles. De plus, en raison de son histoire relativement récente (les publicités ont émergé seulement dans les années 2010), elles sont encore mal perçues, d’autant plus qu'il est difficile d'imaginer une diminution dans les années à venir. Ce qui serait bien, c'est d'avoir un peu plus de transparence sur le coût d'un tel projet après 10 ans.

Le problème des jurys

Ce sont les éditeurs et constructeurs qui choisissent

En premier lieu, l’organisme des Game Awards créée un comité consultatif composé de représentants des constructeurs de console et de composants, ainsi que des éditeurs de jeux vidéo tels que Sony, Nintendo, Microsoft Gaming, AMD, EA, Ubisoft, Valve, etc. Ensuite, ce comité a la charge de sélectionner des médias, organismes, associations et personnalités. Une fois le jury constitué, l'organisme leur envoie l'ensemble des catégories qui seront présentées, et chaque membre du jury doit proposer les nominés de leur choix. À noter que les médias choisissent librement la manière dont ils votent, que ce soit en faisant une moyenne de tous les journalistes ou en laissant les rédacteurs en chef décider. Les données sont ensuite extraites et compilées, et les jeux les plus proposés sont choisis en fonction de la taille disponible par catégories.

À titre personnel, je pense qu'il doit y avoir suffisamment de concurrent au sein du comité consultatif pour éviter les biais, afin que les éditeurs et constructeurs ne puissent pas choisir en accord des médias orientés. Cependant, il reste des questions en suspens. Premièrement, nous n'avons pas la liste précise de ce comité (Wikipédia annonce certains des membres que je vous aie cités, mais à aucun moment on sait s’il s’agit des seuls), et ce manque de transparence n'est jamais une bonne chose car elle permettrait aux enquêteurs de vérifier qu'il n'y a pas de manipulation de la part des entreprises. Deuxièmement, imaginons qu'un média ou une personnalité précédemment choisis décide, par morale (ce qui peut facilement arriver en ces temps de licenciements abusifs dans le monde vidéoludique), de critiquer toutes les entreprises qui réalisent des crunchs, des licenciements en masse ou qui entretiennent une culture d'entreprise, voire pire, qui font les trois en même temps (cf Activision et Bobby Kotick). Alors celui-ci pourrait se retrouver "boycotté" ou, pour utiliser un terme plus approprié : censuré. Ainsi, cette méthode de sélection du jury entretient un système assez vicieux d'autocensure des potentiels jurés tout au long de l'année pour éviter de se retrouver exclus de l'événement le plus important de l'année dans le monde du jeu vidéo.

Comme d’habitude, c’est Américano centré

À cela s’ajoute un autre problème, présent pratiquement partout lorsqu'il s'agit d'événements internationaux, c’est très Américano centré. Un exemple simple : les jurys parlaient tous anglais jusqu'en 2019, date à laquelle les médias non anglophones ont été ajoutés au processus de désignation des jeux. Cela pose un problème lorsque l'on sait que les joueurs américains n'ont pas les mêmes goûts que les Européens, et encore moins que les Japonais ou Chinois. On peut a contrario applaudir le fait qu'il y ait des jurys spéciaux pour l'accessibilité et l'esport, des domaines dont les médias plus "généralistes" n'ont pas forcément les connaissances nécessaires (par contre, il n'y a pas MGG). Cependant, je pense qu'il aurait aussi été intéressant d'avoir des jurés plus spécialisés dans d'autres domaines, par exemple pour les jeux indépendants ou les jeux mobiles qui ne sont pas joués par tous les médias qui ont déjà une grosse quantité de jeux AAA ou AA à tester. Cela réduit les potentielles pépites jouées seulement par les presses spécialisées et nous fait arriver dans des situations auxquelles des jeux qui ne sont pas indépendants se retrouvent dans la catégorie indé par manque de connaissance de ces dits jeux (vous voyez la polémique arrivée ?).

À la fin, ce sont les GOTY qui gagnent

Parmi les problèmes qui reviennent chaque année et que j'ai mentionnés précédemment, il y en a un qui agace certains critiques au plus haut point : l’omniprésence des mêmes jeux dans une grande partie des catégories et la (très) forte probabilité que, si le jeu est nommé dans la catégorie Jeu de l'année (Game Of The Year ou GOTY), alors il remportera le prix. En réalité, ce n'est pas toujours le cas. Des jeux comme Ratchet & Clank, bien qu'ils aient été nommés pour les GOTY, n'ont rien reçu, et pire encore, ont perdu face à des jeux qui ne l'étaient pas, dans notre cas, deux fois contre Forza 5. D'un autre côté, Horizon, avec ses 7 nominations, n'a également rien remporté, mais cette fois-ci parce qu'il était constamment en compétition avec God Of War ou Elden Ring, les deux titans qui se sont affrontés en 2022. Un petit exemple en graphique :

Cette supposée omniprésence nous fait penser qu'il n'y a qu'une poignée de bons jeux par catégorie, alors même que 2023, par exemple, est une excellente année avec des mois de septembre-octobre hallucinants qui comptaient de nombreux jeux très attendus. Ce qui serait intéressant, c'est que le système de nomination soit amélioré pour ne plus proposer aux jurys l'ensemble des catégories avec les n jeux qu'ils doivent choisir, mais plutôt demander une liste de jeux pour chaque catégorie. Les n jeux qui dépassent un certain seuil de propositions en pourcentage seraient alors sélectionnés dans la proposition aux votes. Ainsi, il n'y aurait plus de limitation au nombre de jeux proposés, et donc plus de barrière totalement abstraite qui pourrait séparer deux jeux proposés par les jurys le même nombre de fois, mais dont l’un se retrouverait choisis par rapport à l’autre.

Un système d’inéligibilité pour les GOTY ?

Cela nous amène à nous demander s'il ne faudrait tout simplement pas restreindre les nommés. Ethan Gach, rédacteur chez Kotaku, propose de rendre inéligibles les nommés au GOTY dans les catégories de genres. Dans un article de Forbes, Paul Tassi explique un peu plus en détail cette idée : “Contrairement aux Oscars, qui n'ont pas de catégories du meilleur film d'horreur, du meilleur blockbuster d'action, ou du meilleur biopic, les Game Awards proposent une liste de récompenses de genre qui chevauchent les choix du jeu de l'année.” Ainsi, le fait d'avoir des catégories qui se trouvent au-dessus d'autres catégories, que l'on pourrait qualifier de filtre par genre, fait que les jeux présents dans les catégories du dessus vont forcément gagner pour les catégories en dessous. Cela vaut bien sûr de même s'il y a plusieurs nommés en tant que GOTY dans une catégorie de genre, alors le choix se fera entre ceux-là. Ainsi, le potentiel suspens que l'on pourrait avoir se retrouve souvent caduc, à l'exception de certaines catégories qui récompensent des aspects spécifiques d'un jeu vidéo (direction artistique, bande originale, acteurs, etc.).

Si un nommé pour le GOTY figure dans une liste pour un genre, et qu'aucun autre jeu ne l'est, il doit automatiquement gagner, ou cela n'a tout simplement aucun sens.

Cependant, je pense que cela restreint beaucoup les studios et pousse davantage à créer du suspens qu'à récompenser ceux qui le méritent vraiment. C'est normal que si on a été nommé dans la catégorie ultime, on est considéré comme “un jeu au-dessus des autres”. Ainsi, on se retrouverait dans une situation où des jeux qui n'ont pas été assez bons pour être au GOTY pourraient gagner dans une catégorie a genre parce que leur principal concurrent était meilleur qu'eux. On aboutirait dans un système de lecture compliqué où être nommé au GOTY serait plus important que d'être récompensé dans une autre catégorie. Avouons-le, cela est déjà un peu le cas, et on peut voir des jeux avec une mention GOTY sur la jaquette alors qu'ils n'ont pas remporté la récompense.

Un système où seuls les lauréats sont nommés au GOTY

Une autre alternative serait au contraire de nommer au titre de GOTY tous les jeux qui ont remporté une catégorie. Bon, vous voyez sûrement le problème : cela signifie qu'il faut un deuxième tour pour savoir qui sont les gagnants de chaque catégorie. Cela nécessiterait donc de faire voter pendant la cérémonie (qui se déroule à 1h30 en France, pour rappel), ce qui, compte tenu du décalage horaire, serait discriminant pour certains jeux. De plus, cette approche aurait la mauvaise idée de limiter à un seul jeu par genre, alors qu'il y a des catégories connues pour être souvent source de nombreux jeux nommées au GOTY, comme le genre Action/Aventure, dont tous les nommés en 2023 le sont aussi en tant que jeu de l’année.

Et s'il n'y avait pas de nommés ?

Après avoir analysé ces deux propositions, j'en suis revenu à la proposition suivante : et si l'on pouvait voter pour n'importe quel jeu nommé pendant la cérémonie ? Pourquoi se compliquer la vie avec une nomination de seulement 6 jeux quand on peut choisir n'importe lequel ? Cette idée me vient bien sûr d'un mixte entre les deux propositions ci-dessus, mais aussi du vote du public, un vote 100% communautaire où, au lieu du système actuel où seulement 10% des votes pour les jeux proviennent des joueurs, ici c'était 100% parmi une liste d'un grand nombre de jeux et où chaque semaine on réduisait le nombre de nommés. Évidemment, on resterait sur un ratio de 90%/10% pour éviter d'avoir des jeux avec une grosse communauté comme Genshin Impact ou Call Of Duty comme GOTY tout les ans. Il n'y aurait pas non plus de réduction du nombre de nommés (car on ne pourra pas voir les résultats en temps réels) pour garder un certain suspens sur le reste tout en permettant de voter réellement sur le jeu qui est objectivement meilleur que tous les autres. Personnellement, à part pour l'orchestre qui joue les thèmes des 6 jeux de l'année à la fin de la cérémonie, je ne vois pas de problème.

2023 : Rien ne va plus

J’espère que vous avez apprécié “cette mise en bouche” car nous allons maintenant arriver à la raison pour laquelle j’ai écrit cet article. En plus de tous ces potentiels problèmes que la cérémonie traîne au fil des années, de nouveaux arrivent s’emmêlant dans le long flux des critiques sur les réseaux sociaux. En lisant l’article de Frandroid — que je vais utiliser pour faire une explication une analyse ci-dessous — cela m’a donné envie d’écrire sur cette cérémonie que j’affectionne tout particulièrement, bien que j’en voie de plus en plus les défauts.

Un jeu nommé dans les indés mais qui ne l’est pas tant que ça

C’est sûrement ce qui a fait le plus fait parler lors des annonces des nommés de 2023. Dave the Diver, un jeu que l’on pourrait qualifier d’indépendant de par son aspect, est en fait développé et édité par Mintrocket, une filiale de Nexon, une multinationale sud Corréenne. Cela nous laisse d’autant plus perplexe lorsque l’on sait que Baldur’s Gate 3, le grand favori de cette édition, ne fait pas partie de cette sélection, alors qu'il a été en partie financé grâce à son système d'early access et dont Larian Studios, qui l’a développé, est aussi son propre éditeur, deux modèles utilisés par les studios indépendants pour justement garder leur indépendance.

Cela montre pour moi deux problèmes : comme répété plusieurs fois dans cet article, ce sont les jurys qui proposent les nommés pour chaque catégorie, des jurys qui sont censés être renommés de par l’historique qu’ils ont, comme l’indique le site des Game Awards. Alors comment se fait-il que des spécialistes qui sont censés être compétents dans leur domaine d’expertise aient on pu proposer des jeux qui ne sont pas indépendants dans cette catégorie ! Il est donc normal de voir des jeux qui n’ont rien à faire dans une catégorie si les experts le proposent. Ce n’est pas à l’organisme — qui utilise tout un système pour choisir des experts — de remettre en question les compétences des professionnels, à moins que… Et si les “journalistes et personnalités professionnels dans le monde du jeu vidéo” n’avaient pas d'autres choix ?

En fait, comme vous l’aurez peut-être deviné, je trouve qu'il y a un problème dans la représentation des jeux vidéo pendant les Game Awards. Pour être plus précis, il n’y a pas de délimitation entre les gros studios qui font de très gros jeux et qui forcément sont plus impressionnants et font plus parler et les plus ou moins petits jeux qui apportent quant à eux des innovations que des gros studios ne peuvent se permettre de risquer. Dans l’univers vidéoludique comme cinématographique, les petits poussent les plus grands à s’améliorer de par leur prise de risque et leur créativité grâce à la présence de plus petites équipes, ce qui permet un échange plus réel entre les membres d’un studio.

Les jeux AAA ne sont ainsi que la partie immergée de l’iceberg qui cache un immense ensemble de studios indépendants qui connaissent en cette année un pic de jeux indépendants élevé créant ainsi une concurrence difficile comme cela ne l’a plus été depuis 10 ans. Alors que chaque studio, plus ou moins grand et plus ou moins indépendant, essaie de sortir la tête de cet immense amas de propositions tout aussi différentes les unes des autres, il n’y a tout simplement que deux voire trois catégories pour les représenter, eux et seulement eux. Ainsi, je pense que le problème ne vient pas principalement de la présence de jeux qui ne sont pas vraiment indépendants dans une catégorie qui concerne seulement les indépendants, mais vient de la sous-représentation des jeux qui ne sont pas des AAA, voire des AA. Il faudrait alors proposer une catégorie pour chaque type de studio : Indépendant, III, AA, AAA, et les jeux provenant d’un projet d’étude qui sont parfois excellents (catégorie qui a existé pendant un temps).

Les nommées présentées avant la fin des sélections

Une autre polémique est venue quand à elle du fait que, comme pour l’année dernière, les nommées ont été présentés avant la fin du compte à rebours pour proposer les jeux, noté au 17 novembre 2023 sur le site. C’est ici en partie la faute du jury qui s’est empressé de choisir avant même la fin, au détriment des jeux qui sont sortis entre-temps. Mais c’est surtout, encore une fois, principalement la faute à l’organisation des Game Awards qui, si l’on suit la logique, permet de proposer les jeux avant la date limite.

Le bon sens voudrait que les propositions se fassent après la date maximale d’éligibilité pour participer pendant une certaine durée, ce qui reviendrait à repousser un peu la date de la cérémonie et nous amène encore un autre problème… Les Game Awards devraient avoir lieu en 2024, soit l’année n+1 de l’année primée. Cela permettrait d’avoir réellement l’entièreté des jeux de l’année du 1er janvier au 31 décembre, ce qui pourrait rendre quelques jeux (qui sortent entre mi-novembre et fin décembre et qui actuellement ne sont éligibles que pour l’année d’après) plus visibles et mieux représentés par rapport à l’année en cours, comme Pentiment qui était sorti post-fin d’admission et qui cette année a été oublié. Mais on s'imagine bien que faire une cérémonie juste avant Noël est quelque chose de beaucoup plus lucratif pour l'organisme et pour les constructeurs et éditeurs qui composent l'assemblée nominative.

Un rapport compliqué avec les studios

Dernière polémique, celle de Bungie, qui est nommé dans la catégorie du meilleur support de la communauté, alors même que les employés en charge de la communication avec la communauté ont été en partie licenciés. Cela est quand même quelque chose d’ironique, mais en accord avec ce qui a été dit plus haut concernant la période de proposition, car si Bungie licencie ses employés après que les jurys aient délibéré, eh bien, il est évident qu’ils n'en savent rien. Dans un contexte plus général, on peut cependant parler du fait qu'il devient difficile d’apprécier l’ensemble des studios qui, depuis 2 mois, virent à tour de bras. Un contexte qui ne sera pas oublié lors de la cérémonie et qui, je l’espère, pourra faire s’élever des voix sur ce phénomène capitaliste d’embauche massive en période d’or (le confinement) et de licenciement lorsque le pic de croissance redescend, oubliant toute conscience d’une possible répercussion humaine lors d'embauches massives, comme si les entreprises voulaient croire que la croissance ne s’arrêtera jamais.

30 secondes pas plus pour les récompensés


Vous avez peut-être vu passer la vidéo sur Twitter. Suite au discours de 7 minutes de Christopher Judge (Kratos dans God Of War) lors de sa récompense en tant que meilleure performance en 2022, Geoff Keighley a décidé cette année de mettre en place un compteur de 30 secondes affiché via un prompteur pour indiquer au récompensé le temps de remerciement qui leur reste. Malheureusement, ce fut une très mauvaise idée, voire une fausse bonne idée. Les personnes ne parlant pas anglais, comme les Japonais, se voyaient alors leur temps divisé par deux, car il fallait aussi penser au traducteur qui devait retranscrire et qui ne bénéficiait pas de bonus de temps. La limite était même appliquée aux gagnants du GOTY, Larian Studios, le studio de Baldur's Gate III.

La goutte de trop venait du fait que le studio avait perdu plusieurs collaborateurs à cause de la pandémie du COVID-19, à qui ils souhaitaient rendre hommage. Avoir une limite de temps pour des choses aussi importantes a fait réagir beaucoup de personnes qui se sont senties indignées par cette mesure, d'autant plus drastique et incompréhensible lorsque l'on sait que Kojima a eu droit à 7 minutes de présentation pour son jeu OD, qui n'était qu'un simple trailer de réaction d'acteurs fait avec Metahuman, suivi d'un long monologue expliquant à quel point c'est génial de travailler avec Kojima et qu'il y aura plein de réalisateurs qui participeront.

Alors, pourquoi mettre en place cette limite de temps ? En fait, cela pourrait venir principalement du prix de la location de la salle. Vous êtes censé savoir que les événements sont réalisés dans des salles que l'on loue parfois à des prix très élevés (l'une des raisons pour lesquelles il y a de plus en plus d'événements en ligne à la Nintendo Direct). En plus de cela, il faut aussi penser au coût éventuel qui peut s'appliquer si l'on dépasse l'horaire de fin prévu, entraînant des sanctions au prix de la location, mais nécessitant aussi un paiement supplémentaire pour le salaire de tous les employés, sinon de la pression en plus pour remballer la scène plus vite. Ainsi, on peut s'imaginer que c'est pour cette raison, en plus de la volonté de ne pas avoir des remerciements trop ennuyeux, que la décision de fixer le temps a été prise.

À titre personnel, je pense qu'il s'agit d'un mauvais choix et que cela en dit beaucoup sur l'intérêt que Geoff Keighley porte au jeu vidéo. Il pense avant tout business et show que mérite et récompense, mais j'en parle plus en détail dans mon avis ci-dessous.

De moins en moins de temps pour les récompenses.

Entre l'absence de mentions concernant les licenciements massifs dans l'industrie et les récompenses décernées à grande vitesse (le jeu indépendant de l'année a été expédié en 10 secondes), on se demande ce qu'il se passe avec les Game Awards. Geoff avait annoncé ne plus présenter les annonces comme des world premiere, mais en fait, c'est toujours le cas à l'oral. Il devient alors difficile de s'imaginer ce que deviendra cette cérémonie dans le futur avec cette réduction du nombre de récompenses décernées en main propre, en espérant que cela soit pour le bien de la communauté et non des entreprises.

Temps décerné aux récompenses

Mon avis général

Pendant près de 15 minutes (wow, ça fait beaucoup), je vous ai expliqué l’ensemble des problèmes plus au moins important que la cérémonie des Game Awards rencontre. Vous pourriez alors croire que je déteste cette cérémonie. Eh bien, malgré tout ce que j'ai pu dire de négatif, non… non, je ne déteste pas cette cérémonie, car je pense qu'elle apporte beaucoup plus de bien à l'industrie que de mal. Par son importance qui est devenue mondialement reconnue et qui permet aux médias traditionnels de pouvoir, l'instant d'une journée, parler de jeux vidéo. Par la présence de publicités provenant de tout type d'entreprise qui montre que le jeu vidéo n'est plus quelque chose d'anodin puisqu’attire des entreprise d’autres domaines. Par l'audience astronomique qui montre une communauté intéressée et engagée dans une passion commune. Enfin, par la lumière qu'elle permet de mettre sur tous ces hommes et toutes ces femmes qui se battent parfois dans des situations toxiques avec du crunch et des licenciements répétés pour pouvoir montrer au monde entier une œuvre d’art faite — à défaut des grosses entreprises parfois avides d’argent — avec tout l'amour et toute la passion que l'on puisse donner.

Cependant, il est vrai qu'il y a des choses qu'il faut changer pour que cette cérémonie ne devienne pas un simple show pour le business où tout le monde sourit sans réfléchir. Il faut qu'il y ait chaque année une compréhension de l’année vécue dans le domaine du jeu vidéo grâce à la présence d’une simple cérémonie. Que cela nous permette de savoir l’état de l’industrie et son avancée par le biais des récompenses présentes. On peut le voir avec l’arrivée, par exemple, de la catégorie sur l’accessibilité ou sur l’adaptation dans d’autres supports, qui montre une évolution positive dans l’acceptation des jeux vidéo et du public qui les utilise.

Il faut aussi remettre au centre l'importance de décerner des récompenses aux acteurs de l'industrie et, surtout, les laisser parler et s'exprimer sur ce qu'ils ont vécu pour faire prendre conscience au plus de personnes possible des difficultés qu'ils auraient pu traverser durant la réalisation de leur jeu. Beaucoup de personnes ne veulent pas entendre parler de politique pendant des cérémonies, mais la vérité, c'est que l'art est forcément politique puisqu'il est subjectif. Et dans cette idée, il faut pouvoir promouvoir positivement cet art que l'on veut voir continuer de prospérer.

En faisant mes recherches, j’ai remarqué qu’il y avait une cérémonie appelée Global Industry Game Awards qui récompense les individus et les équipes de studios pour combler leur absence dans les Game Awards, qui valorisent souvent les réalisations des studios. Je pense qu’il faudrait fortement s’en inspirer, quitte à donner des lauréats en pré-show ou avec un communiqué, mais les Game Awards sont tellement plus importants que toutes les autres cérémonies — ce qui donne de l’importance dans l’industrie — que cela serait tout de même bénéfique.